Philippe MURAT - Avocat

Diplôme d'Études Approfondies de Droit Privé

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Dans une copropriété, le bloc B ne doit pas se mêler des affaires du A

Dans une copropriété, le bloc B ne doit pas se mêler des affaires du A

Publié le : 30/08/2022 30 août août 08 2022
Source : www.lemonde.fr
La vente d’une « partie commune spéciale » ne doit être décidée que par les copropriétaires du bâtiment concerné, et ne profiter qu’à ces derniers.

Dans un ensemble immobilier composé de plusieurs bâtiments, qui paie quoi et qui décide de quoi ? La vente d’une partie commune doit-elle être votée par tous les copropriétaires ? Son produit doit-il être partagé entre tous ?

Ces questions auront une réponse différente, selon que le règlement de copropriété prévoit, ou pas, des « parties communes spéciales », comme le rappelle l’affaire suivante.

Le 5 juillet 2016, l’assemblée générale des copropriétaires de la résidence Les Mandariniers, au Lavandou (Var), autorise la cession à M. X, domicilié dans le bâtiment H, d’une surface de six mètres carrés, correspondant à la partie d’un couloir qui dessert son appartement. L’assemblée prévoit aussi que le produit de cette cession (30 000 euros) sera réparti entre tous.

Les Z, propriétaires de trois lots dans le bâtiment H, contestent cette résolution : ils affirment qu’aux termes du règlement de copropriété le couloir constituait une « partie commune spéciale », que sa cession ne pouvait donc être décidée que par les seuls copropriétaires du bâtiment H et que le produit de celle-ci ne devait être réparti qu’entre eux. Ils assignent le syndicat des copropriétaires et le syndic.

Charges spéciales

Lorsque les Z saisissent la justice, les « parties communes spéciales » n’ont pas encore d’existence légale : la loi du 10 juillet 1965 sur la copropriété ne distingue en effet que deux catégories de « parties » : celles qui sont « privatives » (appartement, cave…) et celles qui sont « communes » (jardins, voies d’accès…). Elle précise toutefois que ces dernières peuvent « être l’objet d’une propriété indivise entre l’ensemble des copropriétaires ou certains d’entre eux seulement ».

Sur ce fondement, certaines assemblées générales ont modifié leurs règlements de copropriété, pour y introduire des parties communes dites « spéciales » ou « particulières » à certains groupes de propriétaires (cages d’escalier des différents blocs d’une résidence, par exemple), et la jurisprudence a construit le régime juridique applicable à ces dernières.

Le 8 juin 2011 (10-15.551), la Cour de cassation a ainsi affirmé le principe selon lequel « la création dans le règlement de copropriété de parties communes spéciales a pour corollaire l’instauration de charges spéciales », réparties entre leurs seuls copropriétaires. Elle a refusé de répartir sur l’ensemble des propriétaires la charge de la réfection de la toiture-terrasse du bloc C.

A contrario, elle a jugé, le 19 novembre 2015 (14-25.510), que tous les habitants d’une résidence devaient contribuer, au prorata de leurs millièmes, au paiement de travaux de réfection d’un de leurs bâtiments, leur règlement n’ayant pas prévu de parties communes spéciales.

Le 19 novembre 2014 (13-18.925), la Cour a jugé que les décisions qui concernent les parties communes spéciales ne peuvent être prises que par les copropriétaires ayant des droits sur elles. Elle a rejeté le pourvoi de deux propriétaires du bâtiment 8 qui, depuis vingt ans, essayaient de faire démolir l’escalier intérieur construit par leurs voisins du bâtiment 7, avec le feu vert de ce seul bloc.

Ni date butoir ni sanction

C’est dans le droit-fil de cette décision que, le 1er juin (2022, 21-16.232), la Cour juge, à propos de la vente du couloir, que « seuls les propriétaires des parties communes spéciales peuvent décider de l’aliénation de celles-ci ». Elle donne raison aux Z, qui avaient été déboutés en première instance et en appel.

Nombre de juristes estiment que les contentieux de ce type devraient diminuer, en raison de l’entrée en vigueur, le 25 novembre 2018, de la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ELAN), qui (article 209) a consacré la notion de « parties communes spéciales » ainsi que sa jurisprudence.

La loi sur la copropriété, qu’elle a modifiée, prévoit explicitement (article 6-2) que « seuls prennent part au vote les copropriétaires à l’usage et à l’utilité desquels [elles] sont affectées » – même si ce vote a lieu au cours d’une assemblée réunissant tous les copropriétaires.

Les seuls litiges désormais susceptibles d’apparaître pourraient être liés au fait que des charges spéciales figurent dans de vieux procès-verbaux d’assemblée générale ou dans l’« état descriptif de division », document destiné au service de la publicité foncière, sans que les parties communes spéciales correspondantes aient été créées dans le règlement, qui, seul, a un statut contractuel. Un copropriétaire pourrait en contester le paiement.

La loi ELAN avait donné aux syndicats trois ans, soit jusqu’au 23 novembre 2021, pour opérer les régularisations nécessaires (qui concernaient aussi les parties communes à jouissance privative). Elle avait même précisé que « l’existence » des parties communes spéciales était « subordonnée à leur mention expresse dans le règlement ».

Ce délai n’ayant pas souvent pu être tenu, en raison, notamment, de la crise sanitaire, la loi du 21 février 2022, dite 3DS (article 89), a supprimé toute date butoir et toute sanction. Elle dit désormais seulement que le syndicat « inscrit à l’ordre du jour de chaque assemblée générale des copropriétaires la question de cette mention ». Gare, toutefois, au copropriétaire procédurier !
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